2 janvier 2014

Toutes mes sincères excuses, M.Moussa Touré !

 

Crédits photo : Page Facebook Ministère de la culture du Sénégal
Crédits photo : Page Facebook Ministère de la culture du Sénégal

Des excuses ? Pourquoi ? Vous allez le savoir, si vous prenez le temps de vous installer, comme au cinéma.

Je voudrais vous parler de Moussa Touré, mon compatriote, le cinéaste, qui nous a réalisé dernièrement un très bon film, La Pirogue, et c’est de ce film qu’il est question ici.

Je viens juste de le voir (avec force retard) mais ce n’est rien, y a bien des gens qui regardent encore des films sortis en 1930 ; alors, 2012, ce n’est rien.

Je disais donc : je viens de le voir, et, paradoxalement, je m’excuse de l’avoir vu. Je m’explique. Après l’avoir maints fois raté quand il était à l’affiche à l’Institut Français (la raison, l’heure ne m’arrangeait pas – 19 h 00 – mais pour dire vrai, j’étais trop fauché pour me payer une séance ; mais cela je l’ai déjà dit dans un autre article), après avoir attendu une heure et plus à un colloque barbant et mensonger qui promettait de le diffuser, pour me rendre compte, une heure après, que j’étais venu en retard , et le film n’étant à l’affiche ni au Goethe-Institut ni à l’Aula Cervantès, j’ai sauté sur l’occasion quand je l’ai vu… sur un site de téléchargement. Et je l’ai téléchargé (mais il m’en a fallu du temps). Et je l’ai enfin vu. Et je me félicite de l’avoir vu (c’est un chef-d’œuvre) mais, paradoxalement, je m’excuse auprès de son auteur, monsieur le talentueux cinéaste Moussa Touré, de l’avoir vu ainsi, de manière illégale. Parce que cela ne lui rapportera pas un sou en poche ni ne lui permettra de nous offrir d’autres films de la même qualité.

Mais, avais-je le choix ? J’étais fauché, et je le suis encore ! Et je sais que, tout comme moi, des milliers de Sénégalais – que dis-je – des millions de Sénégalais et même d’Africains veulent voir ses films ou les films de ses confrères du continent mais n’ont pas les sous pour. Ou, s’ils les ont, ils n’ont pas de salles de cinéma. Chez moi, à Dakar, pour voir un film (de qualité) de temps en temps, il faut aller soit chez les Français (Institut Français), soit chez les Allemands (Goethe-Institut) ou les Espagnols (Aula Cervantès).

Le théâtre Sorano, le Grand Théâtre, le centre culturel Blaise Senghor ou la Maison de la culture Douta Seck proposent, mais très rarement, des séances de cinéma ; pour les deux premiers, on peut les comprendre : ce n’est pas leur mission première, mais pour les autres, c’est une lacune. Et tous, Occidentaux comme nationaux, nous les servent à des heures impossibles. Bref, c’est un autre débat.

Dire alors, après cela, que le cinéma sénégalais se porte bien, ce serait exagéré. Certes, le Sénégal s’est bien comporté dernièrement (La Pirogue, Tey (Aujourd’hui) d’Alain Gomis, Président Dia de Ousmane William Mbaye ont raflé les prix de par le monde (Etalon de Yennenga, Tanit d’or etc.) mais combien de Sénégalais les ont vus ces films ? Des films qui pourtant leur parlent et dont on pourrait même dire qu’ils sont faits pour eux – tout le contraire des films que l’on nous propose à longueur de journée sur nos maudites chaînes de télévision. Encore un autre débat.

Alors, la faute à qui ? Pas la peine de chercher loin. C’est tout trouvé. S’il ne pleut pas, c’est la faute à Dieu ; si la marmite ne bout pas, c’est le paternel qu’il faut apostropher ; eh bien ! si rien ne va dans nos pays, c’est à nos dirigeants qu’il faut demander pourquoi. Nous leur avons confié nos destinées (vous, pas moi) et ils nous ont promis la pluie (que Dieu se repose donc), la marmite sur le foyer (que nos pères aillent se reposer) et tout ce qui va avec.

Alors, messieurs les politiciens, où sont nos salles de cinéma ?

Mais les leur demander, autant demander une danse à un cul-de-jatte ! Ils ne nous donnent rien d’autres que des scandales à répétition, des « promesses qui n’engagent que ceux qui y croient » (dixit Abdoulaye Wade), du vent et des espoirs déçus.

Alors, pour finir, j’entonne la tirade de Lansana (personnage de La Pirogue), joué par un Laïty Fall que je découvre excellent comédien (dans nos sketchs télévisuels minables, il ne se faisait remarquer qu’en tant que babillard, histrion et bouffon) : « Vous les hommes politiques, j’ai une chose à vous dire, je suis un homme africain qui a décidé de rentrer dans l’histoire par ses propres moyens ; allez vous faire foutre, je vous emmerde !!! »

Sans langue de bois ! A bon entendeur, salam, et mea culpa.

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Commentaires

serge
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Salut Kadim, quand j'étais à Dakar, je voulais rencontrer Mr. Traoré pour parler de son film, mais nous n'avons pas eu l'occasion. et son film était aussi introuvable à l'époque et pourtant en Europe on en parlait deja.
Je ne me fais pas trop de soucis avec le téléchargement, je crois que les producteurs doivent s'adapter aux nouveaux médias et nous proposer des contenus en ligne. Le rapport au cinéma ne doit plus se limiter uniquement à la salle.
Voire l'expérience NETFLIX de House of Cards... Alors pourquoi pas avec les films? D'autant que les cinémas aujourd'hui nous proposent plus de blockbuster qu'autre chose ...
:)

Khadim
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Salut, Serge, merci d'être passé. Comme tu le dit ils doivent revoir leurs stratégies pour s'adapter à l'époque, je suis d'accord mais c'était aussi un prétexte pour pouvoir parler de l'absence de salles de cinéma au Sénégal. Il n'y en a plus et c'est une catastrophe ! Pour voir un film africain ou autre, c'est la croix et la bannière et ce n'est pas normal. Des films africains que ne peuvent pas voir les Africains cela n'a pas de sens !Et là est le vrai problème ! Et personne ne fait rien. Encore une fois merci !

awa
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nos cinémas sont vendus au plus offrant qui les rasent pour y mettre des choses insignifiantes pour peu que ça rapporte .

Khadim
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Tout à fait d'accord avec toi et là la faute incombe à l'Etat c'est à lui de faire en sorte que les conditions soient réunies pour que des privés osent investir le secteur. Accompagner ceux qui veulent ouvrir des salles ou trouver des solutions pour que les salles fermées rouvrent leurs portes. Et tout ceci c'est à cause d'une absence de politique culturelle digne de ce nom. La culture régresse et pourtant les acteurs culturels font de leur mieux. Merci d'être passée et à bientôt.

josianekouagheu
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Vraiment Khadim, j'ai vu la pirogue, je l'avoue pas comme toi. Mais au Sénégal comme au Cameroun (mon pays), c'est pareil. Pas de salle de cinéma, pas de salle de spectacle publique. Nous avons des instituts français, allemand... comme vous. C'est la faute à nos dirigeants. C'est terrible et honteux tu sais! Mais, je sais que Moussa Touré ne t'en voudra pas. Bonne et heureuse année 2014!

Khadim
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Merci Josiane d'être passé comme tu l'as dit la faute incombe à nos dirigeants et ils devraient se remuer pour changer les choses car la culture a une part non négligeable dans le développement d'un pays Bonne année à toi aussi

DEBELLAHI
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Il ne veulent pas de cinéma qui va occuper les gens, les empêcher de voir "le cinéma" de ceux que j'emmerde avec toi. Leur cinéma de mauvaise imagination, de piètre interprétation, et de minable réalisation. Ce sont eux qui ont piraté nos volontés, nos ambitions, et nos ressources. Toi, tu n'as fais que regarder un film, par un moyen auquel tu n'avais pas de substitut. Bel exercice ! La richesse des occidentaux est dans la valeur qu'ils accordent à la culture. J'ai sorti un billet sur le monument du livre à Nouakchott qui est devenu un abri pour des vaches "citadines". Je t'invite à le lire https://dabdat.mondoblog.org/

Khadim
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Comme tu as raison y en a que pour leurs "cinémas" et ils se moquent pas mal de la culture hélas ! que ce soit un film ou un livre Quant à ton article je l'ai lu depuis longtemps et je me désole de ma situation - la même chez moi - seuls les contextes changent