Toutes mes sincères excuses, M.Moussa Touré !

Des excuses ? Pourquoi ? Vous allez le savoir, si vous prenez le temps de vous installer, comme au cinéma.
Je voudrais vous parler de Moussa Touré, mon compatriote, le cinéaste, qui nous a réalisé dernièrement un très bon film, La Pirogue, et c’est de ce film qu’il est question ici.
Je viens juste de le voir (avec force retard) mais ce n’est rien, y a bien des gens qui regardent encore des films sortis en 1930 ; alors, 2012, ce n’est rien.
Je disais donc : je viens de le voir, et, paradoxalement, je m’excuse de l’avoir vu. Je m’explique. Après l’avoir maints fois raté quand il était à l’affiche à l’Institut Français (la raison, l’heure ne m’arrangeait pas – 19 h 00 – mais pour dire vrai, j’étais trop fauché pour me payer une séance ; mais cela je l’ai déjà dit dans un autre article), après avoir attendu une heure et plus à un colloque barbant et mensonger qui promettait de le diffuser, pour me rendre compte, une heure après, que j’étais venu en retard , et le film n’étant à l’affiche ni au Goethe-Institut ni à l’Aula Cervantès, j’ai sauté sur l’occasion quand je l’ai vu… sur un site de téléchargement. Et je l’ai téléchargé (mais il m’en a fallu du temps). Et je l’ai enfin vu. Et je me félicite de l’avoir vu (c’est un chef-d’œuvre) mais, paradoxalement, je m’excuse auprès de son auteur, monsieur le talentueux cinéaste Moussa Touré, de l’avoir vu ainsi, de manière illégale. Parce que cela ne lui rapportera pas un sou en poche ni ne lui permettra de nous offrir d’autres films de la même qualité.
Mais, avais-je le choix ? J’étais fauché, et je le suis encore ! Et je sais que, tout comme moi, des milliers de Sénégalais – que dis-je – des millions de Sénégalais et même d’Africains veulent voir ses films ou les films de ses confrères du continent mais n’ont pas les sous pour. Ou, s’ils les ont, ils n’ont pas de salles de cinéma. Chez moi, à Dakar, pour voir un film (de qualité) de temps en temps, il faut aller soit chez les Français (Institut Français), soit chez les Allemands (Goethe-Institut) ou les Espagnols (Aula Cervantès).
Le théâtre Sorano, le Grand Théâtre, le centre culturel Blaise Senghor ou la Maison de la culture Douta Seck proposent, mais très rarement, des séances de cinéma ; pour les deux premiers, on peut les comprendre : ce n’est pas leur mission première, mais pour les autres, c’est une lacune. Et tous, Occidentaux comme nationaux, nous les servent à des heures impossibles. Bref, c’est un autre débat.
Dire alors, après cela, que le cinéma sénégalais se porte bien, ce serait exagéré. Certes, le Sénégal s’est bien comporté dernièrement (La Pirogue, Tey (Aujourd’hui) d’Alain Gomis, Président Dia de Ousmane William Mbaye ont raflé les prix de par le monde (Etalon de Yennenga, Tanit d’or etc.) mais combien de Sénégalais les ont vus ces films ? Des films qui pourtant leur parlent et dont on pourrait même dire qu’ils sont faits pour eux – tout le contraire des films que l’on nous propose à longueur de journée sur nos maudites chaînes de télévision. Encore un autre débat.
Alors, la faute à qui ? Pas la peine de chercher loin. C’est tout trouvé. S’il ne pleut pas, c’est la faute à Dieu ; si la marmite ne bout pas, c’est le paternel qu’il faut apostropher ; eh bien ! si rien ne va dans nos pays, c’est à nos dirigeants qu’il faut demander pourquoi. Nous leur avons confié nos destinées (vous, pas moi) et ils nous ont promis la pluie (que Dieu se repose donc), la marmite sur le foyer (que nos pères aillent se reposer) et tout ce qui va avec.
Alors, messieurs les politiciens, où sont nos salles de cinéma ?
Mais les leur demander, autant demander une danse à un cul-de-jatte ! Ils ne nous donnent rien d’autres que des scandales à répétition, des « promesses qui n’engagent que ceux qui y croient » (dixit Abdoulaye Wade), du vent et des espoirs déçus.
Alors, pour finir, j’entonne la tirade de Lansana (personnage de La Pirogue), joué par un Laïty Fall que je découvre excellent comédien (dans nos sketchs télévisuels minables, il ne se faisait remarquer qu’en tant que babillard, histrion et bouffon) : « Vous les hommes politiques, j’ai une chose à vous dire, je suis un homme africain qui a décidé de rentrer dans l’histoire par ses propres moyens ; allez vous faire foutre, je vous emmerde !!! »
Sans langue de bois ! A bon entendeur, salam, et mea culpa.
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