Khadim

Ceci, Seigneur, est-ce une vie ?

Crédits photos ; Khadim Mbodj
Crédit photo ; Khadim Mbodj

 

« Pour juguler nos affres » – comme dit un poète de chez nous – quand d’autres boivent, prient, se dissipent en croyant se libérer, nous, nous écrivons. La page blanche ne nous guérit pas certes, mais elle nous apaise.

Aujourd’hui, pas d’article, mais un poème, des vers qui, je l’espère, font sens et feront, modestement, réfléchir.

 

Ceci, Seigneur, est-ce une vie ?

Dites, est-ce une vie ?

Je vis au jour le jour et le jour est noir et sombre comme la nuit,

Je vis au jour le jour et dix jours qui passent se meurent identiques ;

Je suis jeune dans un pays jeune que dirigent des vieux qui rament vers la mort ;

La misère n’est pas mon lot, mais la misère me guette et guette toute la foule des hommes, mes semblables ;

Dans cette vie la misère est une ombre qui plane, qui gronde, qui menace : elle est comme la mort qui rôde, comme la clameur qui précède la folie des eaux ;

Dans cette vie le ciel est bleu et la mer sans ride, mais le plafond est bas, lugubre, oppressant,

Et ce plafond, ersatz d’azur nous pèse et nous pèse aussi le poids des dieux, des faux dieux dont l’autel jamais ne se vide.

Seigneur ! Si la vie est belle, alors nous sommes dans l’antichambre de la vie !

Sommes-nous bernés ? Rêvons-nous ? Où est la porte du réveil ?

Si la vie est belle, alors nous sommes dans les limbes de la vie !…

Je vis au jour le jour un jour noir et sombre comme la nuit, comme la rage qui noie l’éclat de nos yeux bouffis

Et tous les jours qui passent se meurent identiques,

Et tous les jours qui passent razzient, rançonnent l’espoir qui se courbe et ploie comme épis au vent…

Je suis jeune dans un pays jeune que dirigent des vieux qui rament vers la mort.

Pourquoi ramons-nous vers la mort quand le sang qui coule vif dans nos veines appelle la vie ?

Pourquoi ?

Rêvons-nous ? Sommes-nous bernés ? Où est la porte du réveil ?

Si ce rêve prenait fin, verrions-nous enfin la vie, la vraie ?

Ou est-ce cela la vie ?

Dites, Seigneur, ceci, est-ce une vie ?

Ceci, est-ce la vie ?


Il faut sauver la Vieille Dame !

Crédits photo : seneweb.com
Crédits photo : seneweb.com

 

Âmes charitables, nous vous appelons tous au secours de la Vieille Dame ! – Quelle Vieille Dame ? Ce n’est ni la Jeanne d’Arc de Dakar, club historique de la capitale, qui continue sa descente aux enfers (après la deuxième division, voilà qu’elle se retrouve en D3). Elle mérite d’être sauvée certes mais tel n’est pas le propos. Je ne parle pas d’elle. Encore moins de la Juventus (autre Vieille Dame) à qui une élimination au premier tour de la Ligue des Champions pend au nez. Mais son cas n’est pas critique.

Non. La « vraie » Vieille Dame dont il est question ici aura 100 ans l’année prochaine. Cette Vieille Dame, c’est la gare ferroviaire de Dakar, qui se meurt, oublié de tous (ou presque), et que menacent la rouille, l’action corrosive du temps, un long abandon coupable et… les promoteurs immobiliers d’une boulimie foncière sans bornes.

Splendide bâtisse datant du début du siècle dernier, vestige d’une architecture d’un autre temps, témoin d’une époque où de cette gare partait le célèbre Dakar-Niger. Situé en plein cœur de Dakar, juste en face du Port de Dakar (typique de la mentalité coloniale : venant de tous les coins du Sénégal et de l’Afrique Occidentale Française (A.O.F.), les matières premières (fer, cacao, arachide, coton, etc.) étaient embarquées dare-dare et prenaient la route de la métropole. Un pillage en règle. Mais là n’est pas la question.

Cette gare mérite encore d’être fonctionnelle. Pas en tant que gare (il n’y a plus de chemin de fer au Sénégal) mais en tant que lieu de bouillonnement, d’effervescence et de création culturels. D’où le combat que mène l’association « Les Petites pierres » et qui mérite d’être soutenu, association qui a sa tête Selly Raby Kane, jeune et talentueuse styliste plus connue sous le nom de Séraka et qui a lancé une pétition pour la sauvegarde de la gare.

Sauver la Vieille Dame donc, c’est sauver une partie de l’histoire de la ville de Dakar et du pays, c’est aussi sauver une partie de l’histoire de l’A.O.F. mais aussi lancer un signal fort aux promoteurs immobiliers qui ont privé et veulent encore priver Dakar d’une bonne partie de son patrimoine bâti.

Pour signer la pétition, voici le lien :https://chn.ge/1hgamH6

Ceci n’est pas mon combat mais le combat de tous et il mérite et doit être gagné, car œuvrer pour la culture, c’est aussi  œuvrer pour le développement.

Alors, allez-y nombreux et signez !

Salam


Passez votre chemin, monsieur, et, surtout, touche pas à mon ventre, sinon…

Ne pas toucher sinon
Ne pas toucher sinon..Credit photos : mybabytrip.free.fr

 

Une femme, seule, assez mal en point, marchant avec difficulté, tente de s’asseoir, à l’écart, sur un banc de jardin public. On dirait Atlas suant sous le poids du monde. Elle s’assied, se remet de sa fatigue et ne tarde pas à s’assoupir.

Un type déboule, la trentaine agonisante, sourire aux lèvres, le regarde attendri, s’approche d’elle, se penche, lui touche le… ventre et puis demande à la femme qui vient de se réveiller :  » Vous en êtes à quel mois?  » La femme, surprise, apeurée, se lève précipitamment et s’éloigne comme elle peut, de toute la force de ses jambes fébriles. Puis… Un coup de fil. Une sirène. Une voiture. Incompréhension. Une porte qui claque. Sirène à nouveau. Un poste de police. Une plainte. Bonjour, M. le juge. Au revoir, M. le juge. Bonjour M. le régisseur.  » Qu’est-ce que je peux bien faire là, M. le régisseur. Il y a à peine six heures, j’étais libre comme l’air, et, me voilà maintenant en prison. I don’t understand, Mister. Je n’ai rien fait, je n’ai fait que toucher le ventre d’une femme, juste toucher le ventre d’une femme… enceinte « .

C’était, hélas, la chose à ne pas faire. Pourquoi ?

La même chose, à quelques détails près, est arrivée à un homme, à Cumberland County, Pennsylvanie; la femme a porté plainte pour harcèlement et a eu gain de cause. Donc, là-bas, il est strictement interdit de toucher le ventre d’une parfaite inconnue sans son consentement. C’est un délit et qui sait ce que veut dire délit comprendra que ça mène toujours chez Monsieur le juge ; et que le travail de Monsieur le juge consiste, en grande partie, à offrir des séjours, tous frais payés, pour une prison de son choix et la durée de son choix à des personnes qui n’en veulent absolument pas mais qui, auront bon protesté, finiront par se plier à sa décision. Autant dire, un job de rêve.

En tout cas, méfiez-vous, car il n’y a pas plus idiot que de se retrouver en prison et de devoir répondre à l’habituelle question des codétenus : «Qu’as-tu fait pour atterrir ici » par un : «J’ai juste touché le ventre d’une femme, et de s’entendre poser une nouvelle question par un littéraire perdu dans les parages : «Toucher, dans ta phrase, c’est un euphémisme ou une litote ? » Pire que la ritournelle : «Je suis innocent »

Alors, faite gaffe à vos mains. Mais si vous êtes du genre démonstratif, et que la vue d’une femme enceinte vous pousse à vouloir tâter, toucher, cherchez-vous une femme à enceinter (ça se dit pas – en tout cas pas chez nous – mais ça existe quelque part). Si vous n’avez pas, hélas, de quoi enceinter une femme, soignez-vous ou coupez-vous les mains. Sinon gare à la case prison.

Mais soyons sérieux, est-ce une bonne chose, cette interprétation de la loi ? Peut-être que oui. Peut-être que non. Comme toute chose en cette vie. Mais, à ce rythme, bientôt, on interdira d’aborder une femme dans la rue, de demander l’heure à une femme dans la rue, de demander son chemin, quand on est perdu, à une femme dans la rue, et pire, de draguer une femme ou de reluquer les seins ou les fesses d’une femme. A ce rythme, la burqa sera salutaire et permettra même d’économiser les deniers de l’Etat.

Mais ça ne nous regarde pas. Ça, c’est affaires de Blancs. Ça se passe aux Etats-Unis. Pas chez nous. Qu’ils se démerdent. A bon entendeur. Salam les morts, aujourd’hui c’est leur fête.


Bonne nuit, Madame Mimi Touré

Crédit photo : senenews.com
Crédit photo : senenews.com

Madame Aminata Touré alias « Mimi », demain, que dis-je, aujourd’hui, vous allez passer votre grand oral. Votre déclaration de politique générale. Savez-vous que ce sera la huitième en treize ans. Sept avant vous, dont six sous Wade, s’y sont déjà essayé, avec brio pour certains. J’ai écouté Monsieur Abdoul  Mbaye ; c’était aux temps de l’espoir et ce monsieur, charismatique, nous fascinait et nous intriguait. Savez-vous que, quoi que vous dirais, je ne vous écouterais pas. Je serais quelque part en train de dormir. Mais d’autres vous écouteront, vous acclameront et vous croiront ou alors auront de l’espoir. Libre à eux, c’est leur droit. Toutes les caméras de la chaîne de télévision servile seront braquées sur vous : ils promettent déjà d’y être à l’aube. Libre à eux, c’est leur boulot. Mais moi, un jeune désœuvré  parmi les millions de jeunes désœuvrés  de ce pays, qui attend encore, en octobre, les résultats de ma première session d’examen, qui aurait du se dérouler en juin et qui n’a eu lieu qu’en… septembre, je ne vous écouterais pas. Libre à moi, c’est mon droit.

Un an déjà, et l’espoir placé en notre bedonnant président a diminué comme peau de chagrin. Quelques prédateurs de nos finances publiques sont certes en prison, mais on s’acharne tellement sur eux, et avec une telle maladresse et une telle volonté malsaine et manifeste de revanche que l’on se surprend à prendre fait et cause pour ces personnes. Et pourtant, l’affaire est si simple.

Madame, promettez-nous tout ce que vous voulez. Ne seront déçus que ceux qui les ont entendus. Mais pas moi. Allez à votre oral pour qu’enfin vos subalternes puissent goûter un repos mérité. Je suis sûr qu’ils sont, depuis votre nomination, sur le qui-vive et à pied d’œuvre, occupés à compulser, arranger, écrire, réécrire toutes les informations fournies par les services de tous les ministères. Allez et réussissez votre face à face  avec nos députés, les élus du peuple qui représentent si bien ce peuple, eux qui roulent carrosse et se paient indemnités sur indemnités. Je suis sûr qu’ils vous applaudiront, vous acclameront et seront fiers de leur premier ministre. Pas moi. Car vous ne serez que le huitième en treize ans. Et je n’aime pas le chiffre 8. Encore moins le chiffre 13. A bon entendeur, Salam, et ne me réveillez pas.


Formulaire, Mondoblog et Poésie

Aujourd’hui, je partage avec vous le poème qui me vaut d’être en votre compagnie. Oui, j’ai bien dit poème. Au lieu d’un article, j’ai proposé un poème. Les articles c’est pas trop mon dada, mais, avec Mondoblog, il va falloir que je m’y m…ette ou que je prenne la poudre d’escamp…ette. Qu’est-ce que je disais ? Ça me reprend !

Je suis devenu mondoblogueur par hasard, à cause de ma sale et vieille habitude qui consiste à remplir tout ce qui me tombe sous la main. Donc, un jour du mois d’août dernier, je naviguais, ou plutôt, je surfais sur la grande toile qu’est Internet et, à un détour, paf … formulaire et questionnaire. Qui dit questionnaire dit questions à répondre. J’adore ça. J’avoue même que c’était un peu long. Soudain, (je ne sais plus comment c’était libellé) mais ça disait, en substance, veuillez soumettre un article. Zut, j’ai perdu mon temps, e me dis. Les articles c’est pas ma tasse de thé (mais ça je l’ai déjà dit). Alors, surtout pour faire plaisir au monsieur( ou à la dame) qui s’est décarcassé pour pondre ce formulaire, je me suis souvenu de mes poèmes qui sommeillaient dans un lointain, reculé et poussiéreux tiroir. Un clic droit, un copier-coller et le tour est joué. Deux mois et un mail plus tard, me voilà Mondoblogueur. Un nouveau défi à relever. Une bonne raison de raviver la flamme de l’écriture. Si j’arrive à vaincre ma paresse proverbiale et mon désamour des articles (lisez la presse de mon pays et vous saurez pourquoi).

Enfin.  Assez parloté. Trêve de bla-bla. Place au poème.

 

 

La Muse et le Poète

 

Quand un poète, un beau jour, s’empare de la Plume,

Le Rêve commence tel un feu qui s’allume ;

Les vers s’accumulent, venus de nulle part,

Présents d’une muse discrète : un beau départ !

 

Le novice, à son art, s’exerce et s’habitue,

Et, de simple rimeur qui aux vers s’évertue,

Passe au second degré et, maître devenu,

Parle de poétique, d’art et de revenus.

 

Mais un jour, la Muse s’éclipse, sans crier gare,

A l’Hélicon retourne et à jamais s’égare ;

Hâbleur, notre poète s’échine à composer,

Mais Pégase, envolé,  loin de là s’est posé.

 

Et comme auparavant, le revoilà qui trime,

Hélas ! des jours durant pour trouver une rime,

Un mois pour un sonnet – A quand donc le recueil ? –

Bah ! un seul – posthume – flatterait son orgueil.

 


Capharnaüm , por que ?

Capharnaüm.

Pourquoi ce nom ?

Facile. Ma vie est un capharnaüm. Ma ville, capharnaüm. Mon pays, capharnaüm.

Ma vie est un capharnaüm où s’entassent pêle-mêle les désirs inassouvis, les demi-succès, les occasions manquées, les échecs, bref, une vie sens dessus dessous.

Imaginez un homme, seul, désemparé, déboussolé, au milieu de la ville d’Hiroshima juste après le passage de Tibbets et l’explosion d’Enola Gay. Et, malgré tout, l’on essaie de survivre. Voilà ma vie.

Ma ville, Dakar. Un marché à ciel ouvert. Tout le monde a quelque chose à vendre. Capitale de mon pays, le Sénégal, mais aussi capitale de l’anarchie, de l’indiscipline, de l’incivisme, de la débrouille et de la bêtise et de tout ce que l’on veut. Je peux emprunter à Chester Himes le titre d’un de ses livres pour qualifier Dakar : « Imbroglio négro ». Voilà ma ville, et Dieu sait que je n’ai pas tout dit.

Mon pays : à l’image de ma ville, en plus grand.

Alors, vous comprenez, j’aurais pu choisir un autre nom mais Capharnaüm résume tout ceci en dix lettres. Et, surtout, dans un capharnaüm on peut trouver du tout. Sur ce blog, il y aura aussi du tout. Que vouloir de plus !

Bienvenue dans mon Capharnaüm. Et faites comme chez vous.


Bruno Metsu, le retour du fils prodige

«  Innalilahi wa innalileyli radjahoune » Tous ceux qui viennent en ce monde en repartiront un jour. C’est notre triste condition. Un rappeur de chez nous ajoute: « Am na niouy daïf wayé am na niouy dé bayi yoon » « Ils y en a qui crèvent mais ils y en a d’autres qui meurent en nous montrant la voie (à suivre sur terre) ».

Et l’homme qui est mort le 15 octobre dernier, il y a à peine cinq jours, est de ceux-là, de ceux dont la mort sonne le début d’une nouvelle « vie ». Vous l’avez peut-être deviné, cet homme, c’est Bruno Metsu, l’entraîneur inoubliable d’une équipe du Sénégal encore plus inoubliable : celle de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de 2002 au Mali et de la Coupe du Monde de la même année en Corée et au Japon. Bruno Metsu, le « Sorcier blanc » à la crinière léonine, l’homme aux beaux yeux bleus, le plus Sénégalais des Français.

Mort à Dunkerque, chez lui, il a demandé à être enterré au Sénégal, devenu désormais  chez lui. Un pays qui lui doit beaucoup et à qui il ne doit plus rien. Quoi de plus révélateur d’un amour profond pour ce pays que cette dernière volonté. Un homme nous revient, donc. Un des nôtres. Un Sénégalais, peu importe sa nationalité d’origine, peu importe sa religion. Qu’il s’appelle Bruno ou Abdou Karim. Que la terre de Yoff  lui soit légère. Et que le Bon Dieu l’accueille dans son paradis des Justes. Et … qu’une once de sa vista, de sa rage de vaincre et de son mental de gagneur rejaillissent sur nos piètres Lions actuels et leur sélectionneur, et le peuple sera content. Que les chats redeviennent des lions. Des vrais. Comme ceux d’un certain 31 mai 2002. Prière de supporteur!